/ El establo de Pegaso: Charles Baudelaire

domingo, 18 de octubre de 2009

Charles Baudelaire

El albatros y dos poemas más




EL ALBATROS

A veces, por distraerse, suelen los marineros
cazar albatros, grandes aves del mar,
que siguen, como indolentes compañeros de viaje,
al barco que navega por los abismos amargos.

Apenas los arrojan sobre la cubierta,
estos reyes del azul torpes y avergonzados,
arrastran penosamente las alas
grandes alas blancas semejantes a remos.

¡Qué torpe y débil este viajero alado!
antes tan bello, ¡qué grotesco y que feo!
Uno le provoca quemándole en el pico con la pipa,
otro, cojeando, imita su vuelo inválido.

El Poeta es semejante al príncipe de las nubes
que domina la tempestad y se ríe del arquero;
desterrado en el suelo, en medio de las burlas,
sus alas de gigante le impiden caminar.

De Las Flores del Mal

L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid!
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait!

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.




El extranjero

-¿Qué amas más, di, hombre enigmático? ¿A tu padre,
a tu madre, a tu hermana, a tu hermano?
-No tengo ni padre, ni madre, ni hermana, ni hermano.
-¿A tus amigos?
-Utiliza una palabra cuyo sentido desconozco.
-¿A tu patria?
-Ignoro la latitud en que se encuentra.
-¿A la belleza?
-La amaría de buena gana, diosa e inmortal.
-¿A el oro?
-Lo aborrezco tanto como usted aborrece a Dios.
-¿Entonces qué amas, extraordinario extranjero?
-Amo las nubes... las nubes que pasan... allá... allá lejos
las maravillosas nubes.

De Spleen de París

L'étranger por Leo Ferré



L'étranger

- Qui aimes-tu le mieux, homme enigmatique, dis? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère?
- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
- Tes amis?
-Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
- L'or?
- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages


Elevación

Por encima de lagos, por encima de valles,
De montañas y bosques, de nubes, de mares
Más allá del sol, más allá del éter,
Más allá del confín de las esferas estrelladas,

Te desplazas, mi espíritu, con toda agilidad
Y como un nadador que se desvanece en la ola,
Alegremente surcas la inmensidad profunda
Con voluptuosidad indecible y viril.

Vuela lejos de estas miasmas mórbidas,
Sube a purificarte al aire superior
Y apura, como un licor puro y divino
La luz brillante que inunda los límpidos espacios.

Detrás de los tedios y los hondos pesares
Que cargan con su peso la existencia brumosa,
¡Dichoso aquel que puede con ala vigorosa
Lanzarse hacia los campos luminosos y calmos!

Aquel cuyas ideas, cual si fueran alondras,
Levantan hacia el cielo matutino su vuelo
-¡Que planea sobre la ida, y comprende sin esfuerzo,
el lenguaje de las flores y de las cosas mudas!


Élévation


Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
— Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes!

Charles Baudelaire (1821-1867)



Hace años conseguí en una librería de viejo un ejemplar de Les fleurs du mal, ilustrado con unas maravillosas acuarelas de LABOCCETTA. A este libro pertenece la portada y esta última imagen.

2 comentarios:

Sebastian Iglesias dijo...

Simplemente un gran maestro.

Anónimo dijo...

Estupendo este post !!!!!!